Plusieurs artistes ont proposé une action/réflexion artistique au départ de notre situation commune de confinement.

Confiné·e·s - L'espace public confiné

Cela fait 10 ans que le Cifas s’intéresse au travail artistique dans l’espace public. Nous investissons la ville comme espace ouvert de réflexion et d’action, en y organisant des ateliers, des débats et des interventions artistiques.

Dans cet espace public, le rôle de l’artiste est complexe et varié : offrir de nouvelles perspectives esthétiques, créer du lien social, réinventer les spectateur·rice·s, contribuer au renouveau urbain… Les stratégies artistiques à y déployer rencontrent des nécessités et des contraintes bien différentes des espaces habituellement réservés à l’art (salles de théâtre ou d’exposition).

Aujourd’hui, avec la crise liée à la propagation du Covid-19, l’espace public est mis à mal : il n’est plus possible de se déplacer, se croiser, se côtoyer ou se réunir. Choc social que nous vivons chacun·e confiné·es dans nos sphères privées. Alors comment faire de l’art à l’heure où chacun·e craint pour sa santé et celles de ses proches, et se demande quand et comment il sera possible de retrouver une vie urbaine? Existe-t-il un art du confinement ? Quelles stratégies artistiques inventer pour continuer de créer dans ces conditions ? Qu’est devenu l’espace public aujourd’hui ?

En ces temps délicats où il convient d’être attentif.ve à soi et aux autres, nous avons convié plusieurs artistes à proposer une action/réflexion artistique au départ de notre situation commune de confinement et de ses conséquences sur la notion d’espace public.

Victoire pour la santé! (BE)

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VICTOIRE POUR LA SANTÉ est une initiative des habitant·es de la rue de la Victoire à Bruxelles (sur la commune de Saint-Gilles en Belgique) pour la journée mondiale de la Santé. Pour cette journée, nous vous proposions de participer, depuis votre fenêtre, à une action collective et créative.

Nous déclarons que la rue de la Victoire devient, dès aujourd’hui, un foyer de propagation de solidarité. Nous invitons tout·es les habitant·e·s de la rue, et toutes les personnes qui le souhaitent d’ici et d’ailleurs, à unir leurs forces et déployer leur créativité en participant à cet événement.

Voici de multiples façons de vous engager:
- Ecrivez vos messages sur des banderoles (sur des draps, feuilles ou cartons) et n’hésitez pas à en faire pour vos voisin·e·s! Voici quelques idées de messages: https://urlz.fr/chIP
- Installez banderoles et pancartes à vos fenêtres, balcons, portes d’entrée... dès le matin du mardi 7 avril.
- Apprenez les paroles du “chant des remèdes”, à chanter haut et fort, ensemble, le mardi 7 avril à 20h (voir sur la version karaoké sur la page de Loops)
- Diffusez l’événement avec le hashtag #health4all et/ou #santépourtous
- Prenez des photos, faites des vidéos, enregistrez-vous le jour-même pour rendre l’action visible grâce à un montage que nous réaliserons -> envoyez vos fichiers à victoirepourlasante@protonmail.com
- Aidez-nous à mobiliser toute la rue de la Victoire, et/ou votre propre rue!

Cette initiative a été imaginée pour répondre à la campagne "Notre santé n'est pas à vendre" du collectif de soignant·e·s LA SANTÉ EN LUTTE et du Réseau Européen Santé / European Health Network. Par cette action, nous souhaitons apporter notre soutien au personnel de la santé (soignant·e·s, nettoyeur·euse·s, infirmier·e·s, médecins, brancardier·e·s, etc…) et devenir le porte-voix de leurs revendications. La libéralisation du secteur a engendré une baisse de la qualité des soins. Il n’est plus acceptable de demander aux services publics de faire plus avec moins pour augmenter la rentabilité au profit des intérêts privés.

Soutenu par Loop-s et Cifas Asbl. Merci à Anna Muchin pour la composition du chant en anglais. Merci à Radio Panik de nous aider à le diffuser. Merci au Réseau Ades, Rise for Climate Belgium, La Bellone, La Maison du livre pour leur soutien à la communication de cet évènement.

Pour soutenir le collectif LA SANTÉ EN LUTTE: https://growfunding.be/fr/bxl/lasanteenlutte

Lien vers l’appel à action international de la Journée mondiale de la santé: https://www.facebook.com/events/549550719025438

Illustration © Mathilde Boucher

Stephan Goldrajch (BE)

Artiste plasticien bruxellois, Stephan Goldrajch travaille à partir de matières textiles avec lesquelles il crée des masques, de la broderie, des installations, des dessins, des légendes, des performances… Sa démarche repose sur l’impératif du lien social.

Le sens perdu

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Suite à notre proposition, Stephan Goldrajch a voulu rencontrer et questionner des personnes sourdes sur les difficultés communicationnelles rencontrées face au port du masque devenu généralisé.

Pour ce faire, il a d'abord créé un masque tricoté et crocheté qu'il a appelé "Un sens perdu".

Ce masque a ensuite été dessiné et transmis à de nombreuses personnes sourdes, notamment dans plusieurs écoles spécialisées.
L'IRSA (Institut Royal pour Sourds et Aveugles) en a commandé une fresque que Stephan a réalisée dans la cour de l'école, elle a ensuite été coloriée par les élèves.

Le fruit des nombreuses rencontres permises par ce projet sera exprimé sur la place publique lors d'une nouvelle étape de travail.

Sheila Ghelani (UK)

Le travail de Sheila Ghelani couvre la performance, l’installation, les événements participatifs et l’image en mouvement. Elle s'intéresse beaucoup à la médecine, aux soins et à la relation entre arts et sciences, avec un accent particulier sur l'hybridité.

Nous l’avions invitée en 2015 lors de la Urban Academy consacrée à « L’Art face à la terreur » et lui avons proposé cette fois de réfléchir à notre nouveau monde en crise.

Elle se lance dans la réflexion en prenant plusieurs points de départ : l’idée du care, son instinct autour de sa réticence à répondre au moment présent par l'art, l'espace public en relation avec les jardins, et peut-être ses rêves, car même si elle est confinée, elle se retrouve toujours dans l'espace public et en interaction avec les autres chaque nuit pendant son sommeil...

Elle décrit ci-dessous son processus :

Making the piece. The process…

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When the Cifas invite first came in I wasn’t sure whether to say yes or not. I wanted to spend my time with my parents - whom I’d come to help out during the pandemic, to do the chores and just be present with my already unwell (but not from Covid) mum.

Care, something I make work about often, was either everywhere I looked (at last), or lacking in such a monumental and profound way that institutional change or all out revolution was what was needed, not me and my art… I was reluctant to contribute to the noise.

Plus I could feel in amongst it all that turning to my practice would make me face some things that I, for the moment at least, wanted to pretend I could keep at bay - death, grief, the imminent collapse of the delicate arts ecology I was part of (most of my work had been cancelled, but not all).

But then outside in the garden, whilst tending to the ‘forget-me-nots’, a new space in my thoughts seemed to open up. A reflective space. A rehabilitative space:
What were the consequences of confinement on the notion of public space?

If I went slow perhaps… split up the ten days I was being invited to spend on the subject… only worked when I could (because caring for ourselves and caring for others takes up time, expends energy), perhaps I could say yes…

And so that’s what I did.

At first it felt every bit as complicated as I’d thought it would be. I wasn’t in my own home and so I didn’t have any of my stuff - my camera, access to my studio, my materials. My usual patterns of making were broken.

But then Mathilde from Cifas said something about starting small, and I found myself typing up a list of my daily actions (making a kind of diary I suppose) under the title ‘some small acts of care’…

The list felt like a counterpoint to those heavy feelings I was experiencing now the art-making had begun. It simply described the care and maintenance of life, another type of essential work and labour, but one that happened daily behind closed doors. Perhaps what I was doing with this piece was making public a series of everyday acts of care (usually performed in private)?

The one art-making tool I had brought with me was some carbon transfer paper to complete an idea for another project (now suspended), and so I turned to that. I started tracing out my words and thinking about how they might be arranged… I imagined them on a white tile, hospital-like.

Looking around the house for something similar (to hold in my hands and stare at) I ended up in the garage, and to my surprise found some exactly like I’d imagined - some old bathroom tiles.

I’m not sure how I first decided to trace onto the tiles directly, but I do know that it was immediately really pleasurable. A non-permanent action without the right chemicals and certain processes of course, but slow, contemplative and much better feeling than doing it straight onto paper.

But the white ones didn’t photograph well - they were too shiny - and in any case, maybe weren’t quite ‘right’.

I went back into the garage again as I’d also seen a few spare kitchen floor tiles lying about. At the time I’d rejected them as they weren’t white, but perhaps they’d photograph better? Plus what better place to trace out my daily actions than onto a kitchen floor? The very room which I myself had walked over, prepared meals in, washed up and wiped clean, over and over and over again… Just like what I was going to do to the tiles at the end of my ten days (wipe them clean).

And so that’s what I did.

I think this piece, which exists currently as a set of photographs (the only trace of my words and actions), could one day also perhaps become a set of cards - moving through public space in another way. Passing lightly through many hands, containing private messages sent from one person to another.

Or equally still be reproduced as tiles to be placed somewhere in public. As a kind of memorial to an experience, that took place in the UK in an unremarkable house, in an unremarkable suburb in March, April, May and June 2020…(where I still currently am)… an experience replicated in lots of other households across the country, over and over and over again.

Making the invisible visible for a moment. Before once more returning the tiles back to the garage where I first found them…

Casting a circle to protect my parents? casting a circle to protect us all?

Ondine Cloez (FR/BE)

Ondine Cloez est une chorégraphe et performeuse bruxelloise. Son regard singulier donne à voir des choses qu’on ne voit pas toujours, à priori. Sa première pièce, Vacances vacance, parle du vide, de la vacance, et du fait de ne pas être tout à fait là où nous sommes attendus.

Ondine nous propose une balade à travers Laeken, au sortir du confinement. Au départ de la sonnerie d’une l’école vide, nous partons le long du canal, nous suivons des trottoirs, des murs, mais surtout nous découvrons un espace urbain végétal où se mêlent des dizaines d’essences qui ont pu se déployer pendant les longues semaines de calme. Ondine décale notre regard sur cette ville qui se réveille, florissante, et nous propose de percevoir les légers changements amenés par le confinement.

Promenade confinée

https://vimeo.com/431788904?embedded=true&source=vimeo_logo&owner=9863127

C’est une promenade qui traverse Laeken, où j’habite. J’ai parcouru cette boucle des dizaines de fois. Le silence qui y régnait au tout début a peu à peu été recouvert par les bruits de la ville. J’aurais aimé enregistrer ces étranges silences citadins mais au moment où j’ai pris mon zoom, ils avaient déjà disparu. La promenade était la même. Ce qui avait retenu mon attention était toujours là. La promenade n’a plus le même caractère qu’il y a deux mois mais les plantes qui la jalonnent y sont toujours. Les multiples et minuscules témoins de ce changement de volume sonore. Certaines ont disparu, entre temps d’autres ont fleuri, d’autres ont fané. Elles se sont étalées, ont été touchées par des maladies, envahies pas des pucerons. Les odeurs ont un peu changé. Mais finalement elles n’ont pas bougé.

Maintenant nous allons traverser des parcs, des bois, nous allons voir des canards et des rats, Il y aura peu de bruit, peu de voitures, peu de cris, peu d’avions.

La promenade peut commencer à 11h40.

Vous vous tenez devant l’Athénée Marguerite Yourcenar. Si vous avez respecté les horaires, vous entendez une sonnerie, assez courte, quelques secondes. Elle indique le début ou la fin d’un cours. Mais, bien sûr, il n’y a personne dans la cour. Pas d’élèves. Où sont ces personnes adolescentes ? Elles sont à la maison ou entre ami. Peut-être se promènent-elles le long du canal. Peut-être connaissent-elles une promenade qui dure le temps de la pause de midi, en partant à l’heure, elles seront rentrées à 13h30. Elles mangeront en marchant.

C’est cette marche que nous allons faire. La cour est vide, on la voit au travers des grilles. Vous quittez cet endroit un peu trop calme, vous prenez la direction Nord-Est jusqu’à arriver au Canal. Vous le longez. Vous allez le longer longtemps. Gardez toujours le canal sur votre droite.

Arrivée au premier carrefour, Outre-Ponts. Il y a quelques voitures qui passent, deux ou trois. Il n’y a pas de camions. Derrière vous, des entreprises de béton arrêtées. De l’autre côté, des tas de ferrailles. Sous un des tas il y a un tramway. Sur votre gauche la Cathédrale Notre Dame de Laeken. Faites attention en traversant car le pont forme une petite montagne et si une voiture électrique arrivait, vous ne la verriez pas, vous pourriez vous faire renverser. Attendez bien que le piéton soit vert pour continuer.

Vous avez traversé le passage piéton et vous êtes devant un gros buisson aux fleurs rose pâle. C’est un Rosa Canina, un rosier des chiens. Il s’étend sur plusieurs mètres, vous le longez.

L’eau est toujours sur votre droite, elle est opaque et bien en dessous de vous. Si vous vous penchez légèrement, vous verrez peut-être des rats flotter. Ils sont morts et ils flottent, le ventre gonflé, les pattes avant comme jointes, comme s’ils faisaient la planche. Ils se sont fait expulser des égouts hier, il n’avait pas plu depuis des semaines, les égouts se sont trop remplis et ils ont fini leur vie dans le canal, car comme dirait Monsieur Hermann, capitaine de port: « Pour votre information, ce genre de scénario se produit surtout après de fortes pluies, quand les égouts ne peuvent plus absorber le volume d’eau et qu’ils débordent dans le canal (c’est toujours mieux que dans les rues !) ».

Reprenez votre route, suivez la ligne de platanes. Passez sous le pont de chemin de fer. Juste après regardez vers la droite : il y a un pêcheur. Descendez les six marches et mettez-vous au même niveau que lui. Vous êtes plus proche de l’eau. Vous êtes maintenant à quelques mètres de l’eau, vous êtes descendu·e. La ville, les routes, les voitures, les vélos ne voient que votre tête qui dépasse. Vous marchez sur un mélange de sable et de cailloux, de la poussière se soulève derrière vous. A gauche de vos pieds, dans l’angle entre le mur en briques et le sable : pissenlits, buphtalmes à feuilles de saule, plantains, anémones sauvages, oxalys à petite corne.

Au deuxième étage mais plus loin (il y a un trottoir parallèle à votre chemin, de l’autre côté de la route, personne n’y marche jamais). D’ailleurs vous ne vous en apercevez pas, mais le chemin sur lequel vous marchez actuellement descend très légèrement. Si légèrement qu’avant que vous ne vous en rendiez compte, ce qui était le deuxième étage est maintenant hors de portée de votre vue, le mur qui faisait seulement un peu plus d’un mètre fait désormais plusieurs mètres. Car le deuxième étage est incliné, mais vers le haut. Si bien que pendant que vous vous rapprochiez du canal qui est maintenant à moins d’un mètre – alors qu’au début de la promenade il était à huit mètres en dessous de vos pieds –, la route est maintenant quatre mètres au-dessus de vous. Et sur cette route se trouvent toujours, même si vous ne les voyez plus : coquelicots, pieds d’alouette, marguerites communes, centaurées, bourraches. Au deuxième étage, les fleurs sont plus grandes, elles prennent plus d’espace sur le trottoir peu utilisé.

A la bitte d’amarrage 35c, tournez la tête vers la diagonale droite. Vous verrez, côte à côte, deux arbres de la même taille, peut-être du même âge mais de nature tout à fait opposée. Tout diffère: couleur, forme, densité, feuillage.
Un petit peu plus loin, un mur végétal. Puis un deuxième.

Quand vous voyez la famille de canards dans l’eau, montez les escaliers, faites demi-tour, contournez divers haies et buissons – de ce genre qu’on installe en ville pour ne pas avoir à trop s’en occuper. Prenez encore les escaliers et refaites demi-tour. Vous êtes revenu·e dans le sens de la marche.

Un autre pont vous attend, un embranchement chaotique avec tramways, bus, camions et voitures. Vous avez de la chance de le voir si calme. Ça n’arrivera plus. Continuez encore tout droit, jusqu’à ce que vous vous retrouviez le visage à seulement un ou deux mètres de la cime des arbres. Le canal est descendu, vous êtes remonté·e.

Évidemment le canal n’est pas descendu, vous, par contre, n’avez pas cessé de descendre et de monter. Et votre point de vue aussi. De dessus, de dessous, de côté : vous regardez rarement à hauteur de vos yeux.

Après la lavande et les graminées, prenez le passage piéton et entrez dans le bois. C’est un bois étroit, entre deux voiries, que vous allez traverser pendant une quinzaine de minutes. Il commence comme un chemin étroit et s’élargit au fur et à mesure. Quand la piste cyclable le quitte, vous verrez un groseillier sur la gauche. Puis des parterres d’orties, des parterres de ronces, de lierre. Au milieu de ces plantes couvre-sol : de l’éclaire, du lierre terrestre, de la bourrache sauvage, des fougères. En haut, beaucoup de fleurs de sureau.

Au milieu de ce bois vous verrez une culture de plantes aquatique, c’est un joli point de vue, elles s’étalent sur plusieurs dizaines de mètres et sont recouvertes par des filets en forme de tunnel, alors que la perspective finit sur, justement, un tunnel.

Si les groseilles sur le côté sont mures et que vous arrivez à les atteindre, goutez-en quelques-unes.

Au bout de ce bois vous longez un jardin composé principalement d’érables et de rhododendrons. Ils sont en fleurs. Au bout, traversez les lupins et longez la végétation de sous-bois entre le mur et le trottoir. C’est un nouveau mur. Le mur que vous aviez sur votre gauche depuis trente minutes délimite une seule propriété que vous avez longé sans songer un seul instant que vous contourniez une propriété royale.

Vous longez donc maintenant un nouveau mur sur une centaine de mètres et arrivez à l’entrée d’une prairie faite de trèfles, renoncules, lierres terrestre, graminées, pâquerettes. Elle est coupée à ras. Devant vous des collines aux sommets arrondis. Une vallée à traverser. Elle est de taille réduite, vous n’aurez pas besoin de plus de quelques minutes pour cela.

Longez le chemin de fer et les pulmonaires, orties, bardanes, alliaires, tanaisies. Arrivé·e en bas tournez la tête sur la droite : c’est l’Atomium.

Vous rentrez par une grille dans un jardin, une autre prairie, mais en partie non taillée. Longez les rhododendrons fanés. Vous allez traverser une sombre forêt de pins, marronniers, ifs, robiniers, peupliers. Le sol est presque entièrement recouvert de lierre.

Passez par le petit tunnel et remontez le verger jusqu’à passer entre les rhododendrons et les poiriers, continuez votre ascension et rendez-vous au jardin du fleuriste. Mélisse, buis, cerfeuil musqué, véroniques, échinacées, lys des crapauds, hortensias, euphorbes, primevères, muguet, anémones, callune, bruyères, nigelles, camélias, lavande, géranium sauvage, et bien d’autres fleurs encore.

Retrouvez le mur royal de l’autre côté de la route et passez par le petit chemin boisé. A la grille, tournez à droite et descendez la rue jusqu’à Notre Dame de Laeken. Ne marchez pas sur l’angélique, les pissenlits, la laitue sauvage, les coquelicots qui poussent sur le trottoir.

Au cimetière, longez son mur pour vous retrouver derrière l’église. Un couple de faucons pèlerins s’y est installé

Prenez la rue du champ de l’église et continuez tout droit jusqu’à la place de la maison rouge. Rejoignez la place des justes et asseyez-vous au pied d’un des deux platanes. Au niveau de votre visage : coquelicots, mauves, marguerites communes. Les platanes sont là depuis plus d’un siècle et la promenade a duré moins de deux heures.

La sonnerie de l’Athénée retentit.
Il est 13h30.

Ondine Cloez
Mai 2020

Annabelle Guetatra (BE)

Hyménée de printemps

C’est l’histoire d’une femme qui rêve...
Ce matin, elle préfère ne pas se réveiller, garder les yeux fermés et se souvenir.
L’été, sur la plage. Un soleil plombant, l’air frais du bord de mer. Elle est amoureuse.

https://vimeo.com/418889528?embedded=true&source=vimeo_logo&owner=9863127

Le confinement a restreint les espaces publics et nous a forcé·e·s à rester chez nous, avec comme seule possibilité de voyage, le voyage intérieur, l’imagination.
Quand on ferme les yeux, on peut être partout et avec n’importe qui.

Chacun de notre côté nous avons rêvé une Hyménée de printemps, pour se réunir dans la création de ce petit film d'animation fait avec peu de temps et peu de matériel.

Annabelle Guetatra est dessinatrice. Le Cifas a fait appel à son univers onirique, délicat et sensuel pour illustrer ses activités à plusieurs reprises.
Même si son travail est habituellement centré sur l’intime et l’intériorité, nous avons proposé à Annabelle de tourner son regard vers l’espace public.
Sa réponse est un film d’animation réalisé sur base d’un texte écrit par sa soeur Kahina Le Querrec.
La musique originale a été composée par Kévin Malfait.

Annabelle Guetatra

Née à Colombes en 1985, Annabelle Guetatra vit et travaille à Bruxelles.
Représentée par la Galerie DYS,  elle développe une pratique du dessin sous différentes déclinaisons: papier libre, feuillets assemblés en livres,  figurines de papier mâché, céramiques,  gravures , animation... Les scènes dessinées nous convient comme au spectacle, nous donnent à voir des corps mystérieux mais bien incarnés, lancés dans des sortes d’absurdes mimodrames, chorégraphies absconses ou autres pas de danses énigmatiques. Des scènes d'amour prisent en flagrants délits, où les personnages se parent d'accessoires, de masques, de végétations étranges, de mobiliers ou d'animaux pas réellement identifiables. Cette mascarade inspirée des histoires de l'enfance, des voyages (parfois rêvés), nous raconte la vie, ses désirs, ses angoisses, sa magie et son étrange cruauté.

Kahina Le Querrec

Après une licence en arts du spectacle et cinéma à l’Université Paris 8, Kahina Le Querrec est devenue costumière sur des longs métrages.
En 2018, elle intègre sur concours les Ateliers du Cinéma à Beaune. Elle y réalise La Fête Noire ainsi qu’un court métrage de fiction L’Heure Bleue (sélectionné à Paris Courts Devant, au Festival international du film indépendant de Bordeaux... et Prix du meilleur court métrage au Festival international du film d’Oldenbourg).
En 2019, elle suit un atelier d’écriture de scénario où elle développe son prochain court métrage Contre La Nuit, lauréat de la sélection sur scénario du G.R.E.C (groupe de recherches et d'essais cinématographiques).

Kevin Malfait

Après deux ans de formation au CIAM Kevin Malfait poursuit son cursus musical en entrant au conservatoire de Bordeaux en section Jazz puis au conservatoire de Mont-de-Marsan.En 2016, il compose avec Clément Bernardeau un ciné-concert sur le dernier des hommes de F.W Murnau. Toujours avec Clément Bernardeau il compose et interprète la musique des pièces Motif et D’après nature de la compagnie chorégrahique la Tierce qui fait sa première en décembre 2018 au TNBA. Il collabore régulièrement avec l’artiste Bordelais Geörgette Power. Depuis 2016 il forme avec le comédien et metteur en scène Romain Jarry (Cie des Limbes) le duo musical et textuel je ne sais quoi. Depuis quelques années il compose également pour le cinéma en signant en octobre 2018 la bande originale de la seconde attaque de la boulangerie de Giovanni d’Onofrio puis en 2019 la bande originale de Petit Coeur de Selim Bentounes et de Yamb de Winnele Veyret. Fin 2018 il sort un premier EP instrumental sous son nom.

Rajni Shah (UK/AUS)

Arriving and arriving and arriving

Depuis 2012, Rajni a décidé de se détourner d'une carrière artistique pour se concentrer sur sa recherche autour de l'écoute et du rassemblement en tant qu'actes politiques. Nous avons malgré tout voulu lui soumettre notre questionnement sur l'espace public confiné.

Rajni nous a répondu avec enthousiasme et a écrit un texte sur son voyage, ses sentiments et observations pendant la pandémie. Le texte se trouve ci-contre et peut être également lu sur son blog.

De plus, voici quelques mots que Rajni a écrits sur cette invitation:

"J'étais ravi·e lorsque Charlotte m'a contacté·e pour me demander si je voulais participer au projet "Espace public confiné". J'ai compris, d'après ses mots, qu'il y avait une vraie générosité dans cet acte : le Cifas voulait soutenir les artistes, avec du temps, avec soin, sans aucune pression de produire quoique ce soit. Pour moi, ce genre de soutien fait partie de la construction d'un monde dans lequel les systèmes de valeurs sont centrés sur l'écoute et le processus d'une manière qui est souvent complètement absente du monde de l'art professionnel ou même des arts communautaires. Cela m'a semblé juste.
Ceci étant, au moment de l'invitation, je bénéficiais encore d'un revenu dans le cadre d'un poste de recherches que j'ai occupé pendant deux ans à l'université Concordia au Canada. J'ai donc demandé à Charlotte si mon cachet pouvait être versé à un·e autre artiste, sans revenu, et si cela pouvait faire partie de ce travail. Il m'a semblé que, en réponse à la générosité, à la redistribution des fonds et à la confiance dont le Cifas fait preuve, je pouvais faire la même chose. J'ai donc accepté l'invitation, et j'ai utilisé ce temps pour écrire un texte sur mon blog. Mais j'ai également pu faire don du cachet à quelqu'un qui en avait plus besoin que moi à ce moment-là. La personne à qui je les ai donnés en a exprimé le sens mieux que moi :

"C'était un moment de don qui était si beau et sans condition... Si nous pouvions tous sentir cela, entre nous, nous serions extrêmement forts et à un endroit très différent. Nous ne pourrions plus fermer les yeux et continuer à vivre avec le capitalisme. Nous n'en serions tout simplement pas capables".

Je nous souhaite de ne plus pouvoir fermer les yeux et de ne plus pouvoir continuer à vivre avec le capitalisme !"

Rajni Shah, Sydney, juin 2020

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Rajni Shah est une artiste dont la pratique se concentre principalement sur l'écoute et le rassemblement comme actes créatifs et politiques.

Parmi ses projets - toujours créés en collaboration avec d'autres personnes: hold each as we fall (_1999), _Mr Quiver (2005-8), small gifts (2006-8), Dinner with America (2007-9), Glorious (2010-12), Experiments in Listening (2014-15), Lying Fallow (2014-15), I don’t know how (to decolonise myself) (2018), Feminist Killjoys Reading Group (2016-2020), Listening Tables (2018-21), et Ropewalk (2019).

Kubra Khademi (FR)

_La marche du 10 mai 2020 _

Ce 10 mai 2020, dernier jour du confinement strict en France, l'artiste performeuse Kubra Khademi arpente la ville de Paris, depuis le 20ème arrondissement jusqu'à la Tour Eiffel.
Les sorties limitées à un rayon d'un kilomètre autour du domicile ont donné à Kubra Khademi l'impression que marcher en ville s'apparente à l'escalade de l'Everest.
Sa marche processuelle a lieu le dernier jour du confinement strict en France. De 8h à 20h, l'artiste marche, bâton de randonnée en main, jusqu'à arriver à son point final, la Tour Eiffel, où elle plantera un drapeau blanc.

Son statement artistique prend la forme de l'attestation de déplacement dérogatoire obligatoire en France, dûment complétée par l'artiste.

En collaboration avec Latitudes Contemporaines.
Photos: Camille Graule

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Kubra Khademi est une artiste afghane née en 1989. Performeure et féministe, elle explore par son travail sa vie de femme et de réfugiée. Kubra Khademi a étudié les arts plastiques à l’Université de Kaboul, et à l’Université Beaconhouse de Lahore au Pakistan. C’est là qu’elle a commencé à créer des performances pour l’espace public. Travail qu’elle a continué à son retour à Kaboul, avec en filigrane une certaine critique de cette société patriarcale totalement dominée par les hommes. En 2015, elle performe Armor dans les rues de Kaboul. Suite à cette performance très polémique, elle est menacée de mort et forcée de fuir son pays dans les jours qui suivent. Elle est aujourd’hui basée à Paris. Elle a reçu le titre de Chevalier de l’Ordre des Arts et des lettres par le Ministre de la Culture en France.